La mission innovante de l'agence spatiale américaine NASA, connue sous l'acronyme PREFIRE, a reçu le feu vert pour prolonger ses opérations jusqu'en septembre 2026. Cette décision importante prolonge non seulement la durée de vie de la mission, mais élargit aussi considérablement son champ d'application scientifique. Initialement axée exclusivement sur les régions polaires de la Terre, la mission dirigera désormais ses instruments de précision vers la surveillance de la planète entière. Composée d'une paire de satellites miniatures, appelés CubeSats, de la taille d'une boîte à chaussures, PREFIRE a une tâche essentielle : mesurer la capacité de la vapeur d'eau, des nuages et d'autres éléments clés de l'atmosphère et de la surface terrestre à retenir la chaleur qui, autrement, rayonnerait dans l'espace. Les données collectées représentent une ressource inestimable qui permettra aux scientifiques d'améliorer considérablement les modèles climatiques et la précision des prévisions météorologiques, y compris la prédiction de la force et de la fréquence des tempêtes.
Comprendre le thermostat de la Terre
Lancée au printemps 2024, la mission PREFIRE (Polar Radiant Energy in the Far-InfraRed Experiment) a commencé par des mesures précises du rayonnement thermique que notre planète émet dans l'espace au-dessus de l'Arctique et de l'Antarctique. Le mécanisme qui sous-tend le climat mondial est fondamentalement simple, mais extrêmement complexe dans ses détails. La Terre absorbe une énorme quantité d'énergie solaire, principalement dans les régions tropicales. Cette chaleur est ensuite transportée vers les pôles, qui reçoivent beaucoup moins de lumière solaire directe, par des systèmes complexes de vents, de schémas météorologiques et de courants océaniques. Les calottes glaciaires, le manteau neigeux, les nuages et d'autres éléments de l'environnement polaire renvoient ensuite une partie de cette chaleur incidente dans l'espace. Une grande partie de ce processus se produit sous forme de rayonnement infrarouge lointain. La différence entre la quantité de chaleur que la Terre absorbe dans les tropiques et la quantité qu'elle émet depuis les pôles est un facteur clé qui influence la température globale de la planète, entraînant les systèmes dynamiques du climat et de la météo que nous connaissons quotidiennement.
C'est précisément la mesure de l'énergie dans le spectre de l'infrarouge lointain qui rend la mission PREFIRE unique. C'est une partie du spectre électromagnétique que les missions précédentes n'ont pas pu mesurer en détail, et elle représente un « chaînon manquant essentiel » dans notre compréhension du bilan énergétique de la Terre. Sans ces données, nos modèles climatiques présentaient une incertitude considérable. PREFIRE comble directement cette lacune en fournissant des données qui permettront de calibrer et d'affiner les prévisions sur les futurs changements climatiques.
Une technologie de pointe au cœur de la mission
Au cœur même de la mission se trouve une paire de spectromètres extrêmement avancés, conçus et construits par le Jet Propulsion Laboratory (JPL) de la NASA en Californie du Sud. Ces instruments sont conçus pour mesurer les longueurs d'onde de la lumière dans la région de l'infrarouge lointain du spectre électromagnétique. Leur sensibilité est révolutionnaire – ils sont capables de détecter dix fois plus de longueurs d'onde différentes dans ce spectre par rapport à tout instrument similaire ayant été dans l'espace jusqu'à présent. Cette précision extraordinaire offre aux chercheurs un aperçu sans précédent des processus clés qui se déroulent à la surface de la Terre et dans l'atmosphère. Cela inclut la surveillance détaillée de la fonte et de la formation de la glace de surface, du dégel et de l'accumulation de la neige, ainsi que des changements dans la densité et le type de couverture nuageuse.
Brian Drouin, scientifique du projet PREFIRE au JPL, a souligné l'importance de ces mesures : « Les satellites PREFIRE montrent qu'à ces longueurs d'onde plus longues, la quantité de rayonnement partant dans l'espace peut varier jusqu'à 5 % d'un type de glace à l'autre. Les mesures qui observent les mêmes zones, mais à des longueurs d'onde plus courtes, ne montrent tout simplement pas cette différence. » Ces données illustrent la puissance de la nouvelle technologie et sa capacité à détecter des différences subtiles mais critiques dans le système terrestre qui étaient jusqu'alors cachées.
Élargir le champ d'action à une vision globale
Bien que les CubeSats de la mission PREFIRE aient collecté des données sur l'ensemble de la planète depuis le tout début, l'équipe scientifique a concentré son analyse sur les régions polaires pendant la phase principale de la mission. Avec la prolongation de la mission, cette orientation sera désormais élargie pour inclure des données du reste du monde. Cette expansion ouvre la porte à de toutes nouvelles possibilités et applications scientifiques.
Tristan L’Ecuyer, chercheur principal de la mission à l'Université du Wisconsin–Madison, a expliqué les nouveaux objectifs : « Nous avons la capacité de collecter des données pour le monde entier, pas seulement pour les pôles. Ce que nous pourrons faire maintenant, c'est analyser la taille des particules de glace dans les nuages, ce qui affecte directement l'échange d'énergie entre la Terre et l'espace. » Il a ensuite clarifié les implications pratiques : « Nous pourrons intégrer ces données dans les modèles de prévision météorologique pour améliorer les prévisions et approfondir notre compréhension de la manière dont l'humidité circule sur la planète, ce qui influence directement l'endroit où les tempêtes se forment et la répartition des précipitations à travers le monde. » Cette perspective globale permettra aux scientifiques de relier les processus des tropiques à ceux des pôles, créant ainsi une image complète du système climatique mondial.
Une orbite unique pour des perspectives uniques
Les deux satellites de la mission PREFIRE se trouvent sur ce qu'on appelle une orbite quasi-polaire asynchrone. Cela signifie que les deux satellites passent près des pôles à chaque passage, mais avec un décalage de plusieurs heures l'un par rapport à l'autre. Cette conception orbitale n'est pas un hasard ; elle offre un avantage clé. Elle permet d'obtenir deux « instantanés » de la même zone dans un laps de temps relativement court, ce qui donne aux scientifiques un aperçu des phénomènes qui se produisent sur de courtes échelles de temps. Par exemple, elle permet de suivre les effets temporaires de la couverture nuageuse sur la température de la surface en dessous, ainsi que les cycles quotidiens de gel et de dégel de la glace. Cette capacité à suivre les changements rapides est cruciale pour comprendre la dynamique du système terrestre, plutôt que d'obtenir une simple image statique.
La mission PREFIRE est dirigée par le Jet Propulsion Laboratory (JPL) de la NASA pour la Direction des missions scientifiques de l'agence, et a également fourni les spectromètres clés. La société Blue Canyon Technologies a construit les plates-formes CubeSat elles-mêmes, tandis que l'Université du Wisconsin–Madison traite les énormes quantités de données que les instruments collectent. Le lancement réussi des deux CubeSats a été réalisé par la société Rocket Lab USA Inc. depuis son complexe de lancement 1 en Nouvelle-Zélande en mai et juin 2024, marquant le début d'une nouvelle ère dans l'observation de notre planète.
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