L'Agence Spatiale Européenne (ESA) a lancé une initiative stratégique visant à redéfinir l'avenir de l'informatique spatiale, confrontée au défi de traiter l'immense quantité de données générées par les satellites d'observation de la Terre. Les architectures informatiques existantes peinent de plus en plus à suivre la croissance exponentielle de l'information, ce qui ralentit son analyse et son application. Pour surmonter ces limitations et transformer l'observation de la Terre en action concrète, l'ESA recherche des concepts de mission révolutionnaires basés sur des paradigmes informatiques de rupture. Cette quête d'innovation englobe également le développement de technologies de capteurs avancées qui pourraient apporter des capacités entièrement nouvelles aux satellites en orbite terrestre ou améliorer de manière significative les performances des missions existantes.
Cette entreprise ambitieuse s'aligne sur les documents stratégiques à long terme de l'agence, Technology Vision 2040 et Strategy 2040, qui jettent les bases du développement de technologies et de missions visant des réponses rapides et efficaces au changement climatique, aux catastrophes naturelles et à la pression sur les ressources naturelles. Les satellites d'observation de la Terre (EO) jouent un rôle crucial dans la réalisation de ces objectifs, en fournissant des données clés pour comprendre les processus complexes de notre planète. Cependant, leur efficacité est actuellement limitée par la vitesse de traitement, la consommation d'énergie et le niveau d'autonomie.
L'aube d'une nouvelle ère dans l'informatique spatiale
L'intelligence artificielle (IA) et les nouveaux paradigmes informatiques, tels que l'informatique quantique, photonique et neuromorphique, possèdent un potentiel immense pour transformer les applications spatiales. Leur mise en œuvre peut augmenter de façon spectaculaire l'autonomie des missions et permettre une prise de décision en temps réel sans nécessiter d'intervention humaine. Pour assurer la position de leader de l'Europe dans le domaine de la durabilité et de la télédétection, l'ESA a lancé un nouveau défi SysNova intitulé "Concepts de mission innovants rendus possibles par des paradigmes informatiques de rupture".
"Nous vivons un moment historique exceptionnellement passionnant, à l'aube d'une nouvelle révolution industrielle où l'intelligence artificielle devient capable de résoudre des problèmes de raisonnement complexes", souligne Iga Szczesniak, ingénieure en innovation spatiale et l'une des responsables de cette campagne à l'ESA. "Le lancement de cette campagne jette maintenant les bases de la prochaine génération de missions spatiales européennes, leur permettant d'agir de manière plus autonome et de fournir des données cruciales avec une moindre dépendance à l'égard de l'intervention humaine."
S'appuyer sur les fondations des succès précédents
Cet appel ne constitue pas un pas dans l'inconnu, mais s'appuie sur une série d'initiatives passées et actuelles couronnées de succès au sein de l'ESA. À travers des missions telles que le pionnier Φ-sat (Phi-sat), le polyvalent OPS-SAT et des initiatives comme 3CS (Cognitive Cloud Computing in Space), l'agence a déjà exploré les avantages de l'intégration de l'intelligence directement en orbite. Φ-sat-1, lancé en 2020, est devenu la première mission européenne à démontrer avec succès l'application de l'intelligence artificielle dans l'espace. Son processeur neuromorphique a permis de filtrer et de rejeter de manière autonome les images couvertes de nuages, réduisant de près de 70 % la quantité de données inutiles envoyées sur Terre. Cela a libéré une précieuse bande passante de communication et accéléré la livraison de données pertinentes aux scientifiques.
D'autre part, OPS-SAT, connu comme le "laboratoire logiciel volant", a permis aux experts de tester de nouveaux outils logiciels avancés pour la gestion de mission directement dans l'espace, une activité normalement à haut risque. Cette plateforme, équipée d'un processeur nettement plus puissant que la plupart des satellites opérationnels, est devenue essentielle pour la validation de nouveaux concepts d'autonomie. En parallèle, des paradigmes de rupture comme l'informatique quantique et neuromorphique ont montré leur potentiel pour traiter plus efficacement d'énormes quantités de données. "Cependant, peu de gens ont jusqu'à présent exploré comment ces technologies pourraient redéfinir des missions entières. Il est temps de franchir cette nouvelle étape", explique Gabriele Meoni, responsable de l'innovation à l'ESA et deuxième chef de la campagne.
Cet appel à propositions de missions vise à renforcer les capacités européennes pour les missions de nouvelle génération capables de traiter des données complexes et de fonctionner avec une plus grande autonomie, efficacité et intelligence. Cela renforce la position de l'Europe en tant que leader mondial du développement durable et de la télédétection, en veillant à ce que les données provenant de l'espace soient traitées en temps opportun et mises à la disposition de la communauté scientifique et des décideurs, y compris les experts du centre d'observation de la Terre de l'ESA, situé dans la ville italienne de Frascati.
À la recherche d'idées de rupture et visionnaires
L'ESA recherche activement des concepts à haut risque, mais à haut potentiel de gain, basés sur des technologies qui devraient devenir disponibles dans les 10 à 15 prochaines années. "Notre objectif est de stimuler des études de systèmes et des architectures de mission innovantes qui permettent de nouvelles applications, améliorent les compromis dans la conception des missions ou résolvent les goulots d'étranglement existants. Si vous menez des recherches de rupture à l'intersection de l'informatique et de l'espace, nous aimerions connaître votre point de vue sur la manière de mieux connecter ces domaines dans le contexte d'une seule mission", ajoute Iga Szczesniak.
L'appel est mené via la plateforme SysNova, le mécanisme d'évaluation technologique de l'ESA qui encourage les études conjointes entre le monde universitaire et l'industrie. "Nous voulons encourager des idées qui pourraient apporter des avantages transformationnels aux missions actuelles ou permettre des applications entièrement nouvelles dans l'observation de la Terre et au-delà, avec l'ambition de traduire ces concepts en démonstrations en orbite dans les prochaines années", ajoute Gabriele Meoni.
L'objectif principal du défi est l'observation de la Terre, mais les missions axées sur les communications par satellite sécurisées, une connectivité améliorée et d'autres opérations critiques seront également examinées. Le défi est exclusivement axé sur les applications du segment "amont", c'est-à-dire au niveau de la plateforme ou de la charge utile sur l'engin spatial lui-même. Les idées d'applications au niveau du segment sol ne peuvent être prises en considération que si elles offrent des améliorations avérées et significatives pour le concept global de la mission.
Comment participer et ce que les gagnants peuvent attendre
Les équipes peuvent soumettre leurs propositions de mission via la plateforme Open Space Innovation Platform (OSIP) jusqu'au 14 septembre 2025. Les personnes intéressées peuvent trouver tous les détails, processus et conditions de participation sur le site officiel de l'ESA.
Après la date limite de soumission, jusqu'à cinq des meilleures idées seront sélectionnées. Chaque équipe sélectionnée recevra un budget de 100 000 euros pour mener une étude détaillée de six mois. À la fin de cette période, l'étude gagnante se verra offrir une opportunité unique – une session au Concurrent Design Facility (CDF) de l'ESA. Il s'agit d'un centre de pointe situé au cœur technologique de l'ESA, l'ESTEC aux Pays-Bas, où des équipes multidisciplinaires d'ingénieurs et de scientifiques travaillent ensemble au développement et à l'évaluation rapides de futures missions spatiales. L'obtention d'une session CDF accélère considérablement le passage d'une idée conceptuelle à un plan de mission mature et détaillé, ouvrant la voie à un développement ultérieur et à une réalisation potentielle.
Source : Agence Spatiale Européenne
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