Le voyage spatial, rêve de l'humanité et summum du progrès technologique, porte en lui un parallèle inattendu et fascinant avec l'un des processus biologiques les plus fondamentaux sur Terre : le vieillissement. À première vue, séjourner dans un état d'apesanteur semble libérateur, mais pour le corps humain, c'est un environnement qui déclenche une cascade de changements physiologiques incroyablement similaires à ceux que nous subissons au fil des ans. L'un des défis les plus prononcés auxquels les astronautes sont confrontés est la détérioration accélérée du corps, qui se manifeste par une faiblesse musculaire, une perte de densité osseuse et un système immunitaire affaibli. Ces symptômes, qui sur Terre sont généralement associés à la vieillesse, deviennent une réalité quotidienne dans l'espace pour les individus les plus sains et les plus en forme physiquement.
Cette similitude étonnante a incité la communauté scientifique à approfondir ses recherches. Alors que les effets systémiques des vols spatiaux sur le corps sont bien documentés, les mécanismes qui se produisent au niveau microscopique, cellulaire, sont restés en grande partie inexplorés. C'est cette lacune que Sharon van Rijthoven, étudiante à la Delft University of Technology et à la Vrije Universiteit Amsterdam, a décidé de combler lors de son stage à l'Agence Spatiale Européenne (ESA). Ses recherches ont plongé au cœur même du problème, comparant les marqueurs cellulaires du vieillissement aux changements que les cellules subissent dans des conditions de gravité modifiée.
Le corps humain dans un monde en apesanteur
Lorsque les astronautes arrivent à la Station Spatiale Internationale (ISS), ils entrent dans un monde sans poids. Flotter à travers les modules peut sembler amusant, mais l'absence de force gravitationnelle signifie que le système musculo-squelettique, conçu pour une lutte constante contre la gravité terrestre, perd sa fonction principale. Les muscles qui nous maintiennent debout et les os qui supportent notre poids deviennent soudainement partiellement superflus. Sans charge constante, le corps entame un processus d'adaptation qui est, en substance, un processus d'atrophie. Les fibres musculaires rétrécissent, et les os perdent du calcium et d'autres minéraux essentiels, devenant plus fragiles et poreux. On estime qu'en microgravité, les astronautes peuvent perdre jusqu'à 1 % à 2 % de leur densité osseuse par mois dans des os clés comme le fémur, un taux de perte comparable à celui des femmes âgées atteintes d'ostéoporose sur Terre.
Pour contrer cette détérioration drastique et assurer un retour en toute sécurité sur Terre, où leur corps sera à nouveau exposé à la pleine force de la gravité, les astronautes suivent un régime d'exercices extrêmement strict et exigeant. Chaque jour, six jours par semaine, ils passent environ deux heures et demie à faire de l'exercice. Leur salle de sport spatiale est équipée d'appareils spécialisés conçus pour fonctionner en apesanteur. Cela inclut des machines comme l'ARED (Advanced Resistive Exercise Device), qui utilise des cylindres à vide pour simuler l'haltérophilie, le tapis de course T2 auquel les astronautes sont attachés avec des harnais élastiques pour ne pas s'envoler, et le vélo stationnaire CEVIS (Cycle Ergometer with Vibration Isolation and Stabilization System). Ces efforts sont cruciaux pour maintenir la force musculaire et favoriser la préservation de la masse osseuse.
Parallèles cellulaires entre l'espace et le temps
Dans ses recherches, Sharon van Rijthoven a souligné que, bien que nous observions de nombreuses similitudes au niveau de l'organisme entier entre les effets du vieillissement et de la microgravité, peu d'études se sont concentrées sur les changements au niveau cellulaire. Son travail, publié dans la prestigieuse revue FASEB Journal, a jeté les bases de la compréhension de ce lien à partir de la base – du point de vue de la cellule elle-même.
Pour mener une analyse complète, Sharon a examiné trois formes de gravité modifiée, qui diffèrent de ce que nous vivons quotidiennement sur Terre. La première est, bien sûr, la microgravité, l'état d'apesanteur quasi totale que les astronautes connaissent en orbite. La seconde est la microgravité simulée, que les scientifiques peuvent créer sur Terre à l'aide de diverses techniques. Pour les échantillons biologiques, tels que les cultures cellulaires, on utilise des dispositifs comme la Machine à Positionnement Aléatoire (Random Positioning Machine) ou un clinostat, qui, par une rotation constante, empêchent les cellules de "sentir" une direction unique de la gravité. Pour les études humaines, le modèle le plus couramment utilisé est le repos au lit avec la tête inclinée vers le bas (Head-Down Tilt Bed Rest), où un séjour prolongé dans cette position simule les transferts de fluides et la charge réduite sur le bas du corps, comme dans l'espace. La troisième forme est l'hypergravité, ou force gravitationnelle accrue, qui peut être créée dans des centrifugeuses de grand diamètre, comme celle que possède l'ESA, et qui expose les échantillons à des forces plusieurs fois supérieures à la gravité terrestre.
Découvertes inattendues d'une analyse cellulaire approfondie
L'étude a comparé pas moins de 165 signes connus du vieillissement au niveau cellulaire avec les recherches existantes sur l'impact de la gravité modifiée sur les cellules. L'hypothèse de départ était logique et élégante : puisque la microgravité provoque des symptômes systémiques similaires au vieillissement, on s'attendait à ce que les marqueurs cellulaires montrent la même tendance. L'hypothèse était que les signes du vieillissement coïncideraient avec ceux observés en microgravité réelle ou simulée, tandis qu'en hypergravité, les effets seraient opposés, voire potentiellement "rajeunissants" pour la cellule.
Cependant, comme c'est souvent le cas en science, les résultats ont été loin d'être simples et univoques. Le résultat a brisé les attentes initiales et a révélé une image beaucoup plus complexe. Sur les 165 signes cellulaires de vieillissement analysés, moins d'un tiers a montré une correspondance, c'est-à-dire un effet similaire entre le vieillissement biologique et l'exposition à la microgravité réelle ou simulée. Un autre tiers des signes n'a pas encore été étudié du tout dans le contexte de la gravité modifiée, ce qui indique un vaste champ pour de futures recherches. Ce qui était particulièrement surprenant, c'est que quinze pour cent des signes ont montré des effets totalement opposés. En d'autres termes, à certains égards, la microgravité agissait sur les cellules de manière contraire au processus de vieillissement. Ces résultats n'ont pas fourni de réponse claire à la question de savoir pourquoi les effets systémiques du vieillissement et de la microgravité sont si similaires, mais ils ont ouvert la porte à de nouvelles théories fascinantes.
Nouvelle hypothèse : une communication cellulaire "déformée"
Face à ces données complexes, Sharon van Rijthoven a proposé dans son article une théorie innovante. Bien que le vieillissement et la gravité modifiée affectent tous deux la manière dont les cellules "se parlent", elle suggère que les mécanismes sous-jacents sont complètement différents. Son hypothèse se concentre sur un processus appelé mécanotransduction. C'est la capacité fondamentale des cellules à détecter les forces physiques de leur environnement – comme la pression, l'étirement ou la gravité – et à convertir ces stimuli mécaniques en signaux biochimiques qui régissent leur comportement, leur croissance et leur fonction.
En microgravité, prédit Sharon, cette voie de communication clé est perturbée. Les cellules, privées du signal gravitationnel constant, deviennent "sourdes" à leur environnement physique. Sharon explique cela de manière imagée avec l'analogie du jeu du "téléphone arabe", où un message est transmis de personne en personne et finit par être complètement déformé. Dans le monde cellulaire, la perte d'un signal mécanique clair entraîne une cascade de commandes biochimiques erronées. Les cellules commencent à recevoir des instructions confuses, ce qui les amène à se comporter comme si elles vieillissaient – en réduisant leur activité, en modifiant leur expression génique ou en entrant dans un état de dormance. La différence clé, selon cette théorie, est que dans le vieillissement biologique, il y a des dommages réels, souvent irréversibles, aux composants cellulaires, tandis qu'en microgravité, le problème réside dans le "logiciel" – dans la communication déformée, et pas nécessairement dans le "matériel" de la cellule elle-même.
Cette théorie implique que bien que les cellules dans l'espace imitent le vieillissement, elles ne vieillissent pas réellement de la même manière fondamentale. Cela explique pourquoi les effets d'un vol spatial, contrairement au vieillissement réel, sont en grande partie réversibles. Lorsque les astronautes retournent sur Terre, la gravité rétablit un signal mécanique clair, le "téléphone arabe" est réparé, et les cellules reviennent progressivement à un fonctionnement normal. Cette prise de conscience est une excellente nouvelle pour les astronautes qui visitent l'ISS. À une échelle scientifique plus large, cette recherche souligne combien d'inconnues subsistent en ce qui concerne les effets cellulaires de la gravité modifiée, ouvrant de nouveaux champs pour de futures expériences et études. Jack van Loon, le mentor de Sharon au laboratoire de l'ESA, souligne que cette étude démontre parfaitement les avantages d'offrir des opportunités aux jeunes chercheurs, dont la perspective nouvelle peut conduire à des publications impressionnantes et à l'identification de domaines clés pour de futures recherches scientifiques.
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